« Dernier été » et « Rouge midi » : les 2 premiers Guédiguian de l’intégrale DVD
(1980)
—–
C’est dans cette atmosphère d’agonie d’un quartier aimé que va se tricoter un drame ordinaire, déjà pour son premier film, Guédiguian n’hésite pas à tuer froidement un de ses personnages, on a vu dans son dernier film « Lady Jane » le choc de la mort de l’enfant d’Ariane Ascaride/Muriel. Tourné à quatre mains avec Frank Le Witta, « Dernier été » introduit le fameux acteur fétiche de Robert Guédiguian : Gérard Meylan (Bert), un acteur de tous ses films qui fera pourtant en parallèlle un « vrai » métier, celui d’infirmier. Et déjà Ariane Ascaride représente la femme tentatrice, plus vivante que vamp, vers qui confluent plusieurs désirs masculins (la scène du bal).
Tout de suite, on a un cinéaste, un style, un ton, ce film réussit la gageure d’être à la fois grave et léger, aussi grave dans le fond que léger, ensoleillé, dans la forme, sur les quatre saisons de Vivaldi (peut-être un peu trop présentes), un film émouvant car engagé avec le coeur d’un homme sincèrement dévasté et révolté par la mort de son quartier d’enfance.
Second long-métrage de Guédiguian, le récit se termine là où débutait « Dernier été » à la différence que le héros, toujours interprété par Gérard Meylan, ne va pas rester tourner en rond à l’Estaque mais partir pour Paris… « Rouge midi » est une saga ambitieuse qui n’a pas les moyens matériels de son ambition et prend le parti de faire simple, ce qui serait parfait si on en restait là : à mi-parcours, on accélère, les repères des époques sont de plus en plus flous, voire inexistants, et les générations se téléscopent tandis que le message militant s’épaissit, se faisant par trop démonstratif au détriment de la part romanesque. Toujours du Vivaldi (« Les 4 saisons » pour « Dernier été », « Les Concertos pour mandoline » pour « Rouge midi »).
Un homme à sa fenêtre se souvient du récit de l’arrivée de ses grand-parents, immigrés italiens, en 1920 à l’Estaque. Ne parlant pas français, le père, la mère et leurs trois enfants, deux fils et une fille, sont hébergés par un pays. Devenue une jeune fille à marier, Maggiorina (Ariane Ascaride), ouvrière aux Ciments de Marseille, est courtisée par Jérôme (Gérard Meylan) qui vient d’en claquer la porte, et aimée en secret par son meilleur ami Mindou, un élégant qui vit du proxénétisme. Maggiorina épouse Jérôme tandis que Mindou essaie de prostituer Ginette, sa meilleure amie, Maggiorina
se fâche et il y renonce pour elle. Pendant toute leur vie, les deux amis, Jérôme et Mindou, vont se confier leur épouses quand ils sont absents… Jérôme a été engagé ensuite comme chauffeur d’une grande bourgeoise qui lui fait des avances, il lui rend son tablier. A présent chômeur, c’est Maggiorina qui travaille et fait vivre la famille. Seconde génération, 1936, le Front populaire, Pierre, le fils de Maggiorina et Jérôme, est élévé dans la lutte ouvrière de l’Estaque, imprégné du combat militant communistes contre fascistes. En 1950, Pierre, devenu instituteur et cadre du parti communiste, épouse Céline avec qui il a un fils : Sauveur, celui-là qui partira à la fin du film pour Paris.Un exemple des accélérations de ce film : on vient à peine d’annoncer la mort de Jérôme (peu vieilli… puis, soudain disparu de l’écran, on apprend d’une phrase qu’il est à l’hôpital) à
Maggiorina, vieille dame à cheveux blanchis, que le plan suivant ou presque on revoit Gérard Meylan cheveux longs années 70 puisqu’il joue les deux rôles, le grand-père et le petit-fils : Jérôme et Sauveur. Ariane Ascaride, qui traverse le temps, de jeune fille à longue natte à vieille dame en fauteuil roulant, est moins convaincante que dans le film précédent, « Dernier été », un rôle trop grand pour elle (comme l’est le film pour le réalisateur), un accent marseillais de synthèse qui fait quelquefois penser à Orane Demazis dans les Pagnol. Cependant, Gérard Meylan est parfait…Ce qui frappe, c’est le déplacement de la lutte : du combat ouvriers contre patrons, exploités contre exploitants, dans une période de plein emploi, avec l’idéologie communiste en toile de fond, les espoirs vont devenir peu à peu des illusions perdues et on va se retrouver à combattre pour trouver du travail tandis que les usines mettent la clé sous la porte… Si le Bert de « Dernier été » se meurt lentement à l’Estaque, quartier à l’agonie, Sauveur, son sosie, auto-portrait de Guédiguian, choisit la voie de la fuite constructive : c’est à Paris qu’il va chercher du travail, et, plus tard, reconstruire l’Estaque… au cinéma.
Au contraire, le personnage de Mindou, parti s’encanailler richement « en ville », à Marseille, revient à l’Estaque quand c’est fini, par nostalgie, rachetant le bar du village.. Le couple qui intéresse le réalisateur, c’est Maggiorina et Jérôme, Ariane Ascaride et Gérard Meylan, déjà vus dans « Dernier été », ils ne le quitteront plus, la troupe du cinéma de Guédiguian est (presque, il manque Darroussin) formée… .
Lire aussi la critique de « Lady Jane »…
Lire aussi la rencontre avec Robert Guédiguian au Salon du cinéma en janvier 2008…
Ouvrage de référence : « Conversation avec Robert Guédiguian » d’Isabelle Danel (janvier 2008).
coffret DVD intégrale Robert Guédiguian, éditions Diaphana : 15 films/11 DVD. Sortie 16 octobre 2008.
{{Ma Note 4}}
{{Ma Note 3}}
Laisser un commentaire