« L’Homme de sa vie » : collages et dépendances
Le film commence avec le plan dun enfant portant un masque, un loup rouge, une fois, deux fois trois fois Puis on en vient à filmer le haut dun placard, on y revient Dentrée, cest désagréable à regarder, il ne sest pas écoulé deux minutes que cest déjà pesant Je ne sais pas très bien pourquoi dailleurs, un pressentiment?
Ensuite, la réalisatrice campe le décor et y installe les protagonistes du film, une bande de couples amis qui ont loué une maison de campagne pour les vacances, et là, on insiste sur deux choses : les enfants représentés surtout par leurs voix, leurs cris, leurs jeux, et le couple Léa Drucker/Bernard Campan dans sa chambre avec lépouse désarmante de bonne volonté et le mari qui dort tout le temps.
Tout ça est très lent pour une unique raison : la profusion dimages surnuméraires du poétique à lonirique en passant par la carte postale et le déjeuner sur lherbe qui interrompent sans cesse le récit : la réalisatrice senivre dimages dont pas une seule ne sintègre harmonieusement à lensemble, un tour de force!
Le film est à peu près classique et soudain, un effet, on revient au récit, puis, un autre effet, et cest ainsi tout le long du film, le problème, cest que non seulement, ça plombe le film mais que toutes ces images insérées sont de styles différents comme dans un bazar où on vendrait un peu de tout, un kaléidoscope dinfluences de tous les horizons. On dirait que chaque fois que Zabou a aimé une figure de style, elle la repiquée sur son film.
Au menu On filme un ballon dans le champ, aller et retour du ballon, on ne voit rien dautre sur lécran, retour au récit. Soudain, un corps nageant dans la rivière est filmé comme inclus dans de leau gélatineuse avec des reflets mauves, sans doute la représentation du fantasme du corps de Hugo, retour au film. Plus loin, on passe à un autre style, quoique les deux visages des hommes se superposant dans leau en soufflant des bulles, comme une gargouille à deux têtes, pourraient peut-être avoir une parenté avec le corps dans la rivière, dans tous les cas, on revoit tous ces plans créatifs deux fois dans le film, pour ceux qui auraient embrassé leur voisin pendant ces démonstrations lyriques, ça fait une session de rattrapage Au milieu du film, les personnages apparaissent à lécran comme des images dun missel et stop, retour au film. Autres exemples de greffes dimages : Un immense champ de tournesols envahit lécran (variante aussi avec un champ de blé) Ou bien tout dun coup, on ne filme que des jambes Passons sur le corps dun homme nu suspendu dans le vide Quand Hugo ouvre la porte de la maison, il est filmé la tête posée sur un horrible fond rouge sang comme un portrait Dans la lignée de lidée quon se fait du cinéma dauteur, on repasse des scènes filmées den bas, den haut, Frédéric accueille Hugo, plus tard, on rejoue la même scène vue de la chambre de sa femme.
Est-il besoin de préciser que ces images coupent le fil du film un peu au hasard du montage, on les aurait greffées ailleurs que ça naurait rien changé, on les aurait supprimées, ça, oui, cétait la bonne idée… Pour faire avec son temps, on filme par ci par là des écrans : celui du téléphone portable avec une petite enveloppe stylisée à chaque texto, celui de je ne sais quel appareil de réanimation à lhôpital.
Pendant ces temps de diversion digression, la vie des personnages rétrécit, petit à petit, dans cet univers exigu assez claustrophique, les personnages secondaires sont zappés, ne restent que trois personnages pour deux couples : Frédéric et Frédérique dans leur chambre.. Frédéric et Hugo assis sur des chaises dans le jardin Frédéric et Hugo courant dans les bois en jogging. Hugo face à sa table au téléphone avec sa mère Et ça tourne en boucle.
Asphyxiée par tant de maniérisme et de complications, une histoire damour entre deux hommes tente de se faire une petite place Quand Frédéric, marié à Frédérique, épouse et mère modèle,fait la connaissance dHugo, leur séduisant voisin, il est demblée sous le charme. Les deux hommes multiplient les apartés sans oser savouer à eux-mêmes leur attirance pour des raisons inverses : Frédéric ignore tout de son homosexualité mais croit à lamour, Hugo, au contraire, laffiche bruyamment mais il refuse lamour, traumatisé par son enfance. Dès son arrivée dans lhistoire, Hugo est stigmatisé par la caméra comme létranger dont il faut se méfier, cest lourd Le couple Berling/Campan fonctionne mais la réalisatrice semble gênée par son sujet, les conversations entre les deux hommes séternisent et lemballage onirique décrit plus haut fige lhistoire en une série de tableaux peu propice à lémotion quon ne laisse pas sinstaller chez le spectateur, bien que quelques scènes y parviennent grâce à la sensibilité de Charles Berling au dessus de la mêlée.
Je lisais les statistiques des entrées dhier mercredi avec un nombre dentrées infiniment petit pour tous les films, cest dommage parce «Un Crime» de lautre côté de la rue avec le couple torride Harvey Keitel et Emmanuelle Béart,dans une réalisation plutôt novatrice intimiste, cest très nettement la pointure au dessus
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