« Humpday » : pour l’amour de l’art…
Prix révélation du 35° festival Deauville, Lynn Shelton, sortie 16 septembre 2009
Trompeur, ce film qui devient de plus en plus complexe et subtil pour finir sur tous les possibles… Marié à Anna, Ben est casé, rangé, menant une vie paisible, presque pépère, un coup de sonnette à deux heures du matin va le réveiller à tous les sens du terme. C’est son ami Andrew, parasite se la jouant sur la route de Kerouac, qui débarque de Mexico pour s’installer chez eux. Le lendemain, Andrew a sympathisé avec un groupe aux moeurs libérées dans son genre, il y entraîne Ben qui ne se fait pas prier. Les invités ivres ou défoncés, le sujet de conversation tournant autour du festival porno amateur annuel « Hump », Andrew a alors l’idée d’un geste artistique : une vidéo de deux hétéros filmés couchant ensemble, en deux mots, lui et Ben, les deux larrons semblent d’accord. Au réveil, la gueule de bois va mettre un bémol à l’accord en question… Comment l’annoncer à Anna, l’épouse de Ben?D’un côté, le film monte en intensité dramatique, ces deux hétéros affichés vont-il oser? De l’autre, au fur et à mesure que les raisons s’accumulent pour renoncer à l’entreprise, les marques ambigues se multiplient comme cette étreinte au sol en jouant au basket. D’ailleurs, dès la première phrase d’Andrew, les dés sont jetés : en sonnant à deux heures du matin, le copain prodigue dit pour blaguer que c’est la police pour une affaire de sodomie datant des années 90… Plus tard, Ben se souvient d’une attirance pour un homme tenant un vidéoclub quand il était étudiant. Andrew, lui, serait plutôt gêné de n’avoir pas osé faire toutes les expériences. Le sourire de Ben pour Andrew n’existe pas dans les scènes avec sa femme Anna où il est un autre homme. Ce qui ferait craquer Ben, et Andrew l’a bien compris, en joue perfidement, c’est que son ami le considère comme un notable quand ces retrouvailles lui rappellent leur vie dissolue d’autrefois, leur jeunesse.
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photo Pyramide distribution
Là où le film est fin c’est qu’il sépare subrepticement les paroles et les actes, les joutes oratoires de Ben et Andrew ne traduisent pas ce qu’ils ressentent et ce qu’ils nient et même disent souvent le contraire. Emballés par cette idée de performance, les détails pratiques seuls semblent poser problème aux deux amis d’enfance, la seule dimension à laquelle aucun des deux ne fait jamais allusion, c’est qu’ils pourraient être réellement attirés l’un par l’autre, on aborderait alors l’inavouable, le vrai tabou à transgresser ne serait donc non pas de coucher ensemble mais d’en avoir envie, d’y avoir pensé autrement que pour le challenge provocateur du porn festival Hump de Seattle…
photo Pyramide distribution
Existerait-il toujours une homosexualité latente dans les relations amicales masculines (pour conserver cet exemple)? Jusqu’à quel point a-t-on intérêt pour son équilibre personnel à assouvir toutes ses pulsions? Inversement, jusqu’à quelle limite doit-on accepter la frustration? Habile, le film pose plus de questions aux spectateurs qu’il ne répond à celles des protagonistes. Les acteurs sont justes malgré, seule réserve, la dimension théâtrale de la mise en scène, la multiplication des tête à tête bavards, surtout dans la seconde partie du film.
photo Pyramide distribution
Prix de la révélation au 35° festival de Deauville, déjà présenté à Cannes cette année à la Quinzaine des réalisateurs, prix spécial du jury au festival de Sundance 2009 « Humpday »est le 3° film de Lynn Shelton (après « We go way back » et « My effortless brilliance ») avec des acteurs encore peu connus : Mark Duplass (Ben), Joshua Leonard (Andrew) et Alycia Delmore (Anna).
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