Jacques Tourneur et la RKO : 5 films d'"Angoisse" et " La Griffe du passé" à "La Vie facile"
Fondée en 1928, après MGM, Paramount, Warner et Fox, la major cadette RKO, dernière née, sera aussi la première à disparaître au bout de seulement trente ans d’existence, laissant dans ses malles des trésors de films… La création des studios RKO, au départ, Radio Corporation of America, sera la conséquence d’un brevet de sonorisation que la radio n’arrivait pas à vendre… Elle va alors créer ses propres studios et démarrer en toute logique avec des comédies musicales (9 films avec Fred Astaire et Ginger Rogers dans les années 30)… Dirigée par le fantasque Howard Hugues, qui imposait souvent ses actrices préférées (Jane Russel, Faith Domergue, Joan Fontaine), et ré-écrivait même des répliques…, marquée dans les années 40 par le style du producteur Val Newton qui venait de la série B, aux films formatés, on préfèrera les ambiances, les atmosphères, la créativité : ainsi l’association Newton et Tourneur va donner des petites merveilles de films entre gris clair au gris foncé…
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L’oeuvre de Jacques Tourneur, réalisateur français ayant fait carrière à Hollywood, est un cas inclassable en soi… Qu’il s’attaque au film fantastique (La « Féline »), d’espionnage (« Berlin express »), au drame noir (« Angoisse ») ou au film noir (« La Griffe du passé »), voire à l’analyse sociale du rêve américain (« La Vie facile »), il règne une ambiance particulière, fantômatique et nostalgique, dans les films de Tourneur qui en font des oeuvres à part même si elles se rattachent à un genre que le réalisateur « revisite », comme on dit. C’est sans doute cela qui fait qu’on est à la fois sidéré par la beauté de la réalisation et désorienté par une certaine langueur inhabituelle dans les films de genre…
Heddy Lamarr est d’une beauté renversante, dans le registre de l’angoisse, elle est extrêmement touchante et crédible, le regard chaviré, la voix inaudible. La fin du film est maladroitement happy end, comme le voulait l’époque, mais l’avant-fin du film est violente comme une explosion au gaz…
Une vraie découverte que ce film de Tourneur, un drame noir de la folie destructrice d’un ancien orphelin, détesté par son père d’avoir « tué » sa mère en naissant, qui va épouser une jeune fille trop belle, dont il a fait une perfection en la formant selon son image de la femme idéale, qu’il va ensuite persécuter, mettant en scène lui-même le scénario de sa jalousie morbide en l’entourant d’hommes de son âge… Très moderne sur le fond, sombre comme une interminable nuit d’hiver éveillée par l’angoisse, un must dont on comprend mal qu’il ne soit pas un classique…
Voilà le film noir type et pas des moindres, une référence du genre, images sublimes en clair-obscur, ambiance noire et sombres desseins, femme fatale tueuse et hommes proies, le détective et le truand, le passé qui vous rattrappe, l’histoire racontée en flash-back…
photo éditions Montparnasse
Alors qu’il s’est installé comme pompiste dans une petite ville, Jeff Bailey, fiancé à Anne, une jolie blonde, voit son passé le rattraper par la manche quand l’homme de main de Whit Sterling vient lui demander des comptes. Quelques années auparavant, Jeff fut engagé par Whit Sterling, joueur professionnel, pour retrouver sa petite amie, la sulfureuse Kathie, partie sans laisser d’adresse, après lui avoir tiré dessus et dérobé 40 millions de $. Retrouvant Kathie à Acapulco lors de son enquête, le détective Jeff Bailey en tombe amoureux et double Whit Sterling en s’installant avec elle à San Francisco d’autant que la garce lui a juré qu’elle n’avait pas volé d’argent… Casting solide côtés hommes avec Robert Mitchum (Jeff Bailey), Kirk Douglas (Whit Sterling) et une actrice peu connue aujourd’hui Ann Greer qui n’a pas la trempe d’une Ava Gardner ou d’une Barbara Stanwyck, mais s’en tire habilement grace à son regard de biche… C’est le petit bémol du film, ce manque de charisme de l’actrice qu’on retrouve dans les situations pas assez violentes (il faut le dire!), hésitantes, avec un trop plein de rebondissements dispersant l’attention. La grande différence avec un Siodmak (« The Killers »), par exemple, c’est que le film est somptueux mais moins physique, plus explicatif, plus dilué, moins choc, si on veut.
photo éditions Montparnasse
*** Dans la série des 100 DVD de la RKO des éditions Montparnasse, sont disponibles 5 films de Jacques Tourneur : « La Féline », « Angoisse », « La Griffe du passé », « Berlin-express », et, sorti le 16 septembre 2008 (avec les 10 derniers de la collection RKO) : « La Vie facile ».Pour gagner la collection des 100 DVD de la RKO, jouer ici…
Lire aussi dans la dernière série sortie le 16 septembre 2008 les critiques de « Voyage sans retour » de John Farrow et de « Primrose path » de Gregory LaCava…
Notre note
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