« La Servante » : l’original (« Hanyo ») et le remake (« The Housemaid ») + les films restaurés par la World Cinéma Foundation sur Ciné+
En 2010 au festival de Cannes, « The Housemaid » de Im Sang-Soo figurait en compétition officielle, un beau film sophistiqué qui n’a pas eu le succès escompté. A l’époque, le réalisateur avait expliqué que s’il avait choisi pour son remake de « La Servante » en 2010 un couple d’ultra-riches employant une jeune gouvernante au lieu d’un couple de la middle class engageant une servante, comme dans le film original de 1960, c’est qu’en cinquante ans en Corée, et partout ailleurs, la classe moyenne, décimée par la mondialisation, n’avait plus les moyens, comme dans les années 60, d’engager une servante, et seuls des milliardaires pouvaient se le permettre. Mais on se rend compte en regardant l’original que Im Sang-soo a considérablement simplifié et recentré l’intrigue sur les relations entre le mari et la servante alors que le film de Kim Ki-young brassait beaucoup plus large dans toute la première partie de son film avec un groupe de jeunes ouvrières amoureuses du professeur de piano, l’une, morte de chagrin, l’autre, menaçant de l’accuser de viol, deux jeunes femmes à la passion destructrice préfigurant l’arrivée de la troisième, la servante, au comportement beaucoup plus sauvage, cruel, que celle de 2010, à la fois victime et bourreau.
Tandis que Ciné+Club programme
le mardi 17 avril une soirée spéciale avec les deux versions du film (« La Servante », 1960 et « The Housemaid », 2010), les éditions Carlotta préparent la reprise en salles de l’original (le 11 juillet 2012) considéré comme un film fondateur du cinéma Coréen. Mais pas seulement, l’évènement est multiple : TV, DVD et reprise en salles. « La Servante » de Kim Ki-young, film ayant été restauré grâce à la World Cinema Foundation (présidée par Martin Scorsese), un coffret DVD spécial WCF (volume 1) sort le 18 avril 2012 avec : « Les Révoltés d’Alvarado », « Le Voyage de la hyène », « Transes » et « La Flûte du roseau », quatre films également restaurés par la WCF et programmés aussi sur Ciné+Club et Classic entre le 8 et 27 avril 2012.——
« La Servante » (« Hanyo ») de Kim ki-young (1960)
Pitch.
Au début des années 60, un professeur de piano et son épouse enceinte, surmenée de travaux de couture pour payer les factures de leur nouvelle maison, décident d’engager une servante, jeune femme de la campagne un peu simplette.
la version 1960
Le film est cruel à beaucoup de points vue et s’il ne fallait en retenir qu’un seul, ce serait le point de départ du futur drame : si la femme du professeur de piano, enceinte, sur le point d’accoucher, s’épuise sur sa machine à coudre, c’est pour payer les factures de leur nouvelle maison qu’elle a voulu à tout prix quand son mari se serait contenté de leur ancien appartement de location. C’est donc la société de consommation qui va broyer cette famille, l’achat d’une télévision, par exemple, coûtant encore plus d’heures de couture à l’épouse du professeur, qui, lui, donne des leçons particulières de piano à leur domicile. De fil en aiguille, le professeur de piano, Mr Kim, qui donne principalement des cours de musique aux ouvrières d’une usine de tissage après leur travail, va enchaîner les conséquences de la passion amoureuse qu’il suscite chez deux d’entre elles. La première, Mlle Kwak, renvoyée parce qu’elle lui avait écrit une lettre d’amour, va mourir subitement de chagrin. La seconde, Mlle Cho, ravissante, rusée, lui demande des cours particuliers de piano, devient l’intime de la famille, de l’épouse, des deux enfants. Mais elle finit par craquer, déchirer ses vêtements et le menacer de porter plainte pour viol. Dans l’intervalle, elle lui présente une amie, une fille de la campagne un peu simplette, un peu délurée (elle fume…), qui accepte de travailler chez eux comme servante.Bizzarrement, dans la seconde partie du film, on zappe l’ouvrière qui faisait du chantage (elle y renonce) et la relation se recentre sur le prof de piano et la servante, comme le fera le remake. Mais, contrairement au film de 2010, c’est la servante, amoureuse du prof, qui va l’aguicher et lui qui va lui céder. Enceinte aussi du maître de maison, comme son épouse, la servante, qu’on force à avorter, va sombrer dans la folie que son enfant soit mort quant l’autre est sur le point de naître, se comportant alors autant en meurtrière délirante qu’en victime, n’ayant plus qu’un rêve : qu’ils se suicident tous les deux ensemble, symbole de l’amour absolu. Ce film en noir et blanc, d’une beauté, qu’on peut qualifier de fatale, bascule dans un horrifique glacé, sombre, angoissant (les plans récurrents sur le flacon de mort aux rats dans le placard de la cuisine, la fillette infirme, l’escalier menaçant) où l’homme est devenu la proie de toutes les femmes qui l’approchent. La version 2010 sera beaucoup plus nuancée et classique en donnant le rôle de la mauvaise femme à la belle-mère (qui n’existe pas ici), en remettant à leur place la victime, la servante, et le coupable, le mari. Car on n’est pas loin de penser ici, dans ce film misogyne, que la victime, c’est ce malheureux prof de piano dévoré par tout personnage féminin dans son sillage, son épouse et son désir de maison, les ouvrières de l’usine, la servante…
Lire la critique de « La Servante » (« The Housemaid ») de Im Sang-soo (2010)…
la version 2010
Diffusion TV
Ciné+
du 8 au 27 avril 2012
Ciné+Club
Soirée mardi 17 avril
« La Servante » (« Hanyo ») de Kim Ki-young (Corée du sud, 1960) à 20h40
« La Servante » (« The Housemaid ») de Im Sang-soo (Corée du sud, 2010) à 22h30
Nuit WCF vendredi 20 avril à partir de 22h30
« Transes » d’Ahmed El Maanouni (Maroc, 1981) à 22h30
« Le Voyage de la hyène » de Djibril Diop Mambety (Sénagal, 1973) à 00h20
« La Flûte du roseau » d’Ermek Shinarbaev (Kazakhstan, 1989) à 02h05
Ciné+Classic
« La Servante » (Hanyo ») de Kim Ki-young (Corée du sud, 1960)
dimanche 15 avril à 13h30, vendredi 20 avril à 22h30
« La Loi de la frontière » de Lüfti O. Akad (Turquie, 1966)
samedi 21 avril à 22h30, dimanche 22 avril à 13h30, vendredi 27 avril à 23h15
« Les Révoltés d’Alvarado » de Fred Zinnemann (Mexique, 1936)
dimanche 8 avril à 13h30, vendredi 13 avril à 22h05, dimanche 22 avril à 22h55
Sortie DVD COFFRET WCF (volume 1), éditions Carlotta, le 18 avril 2012
« Les Révoltés d’Alvarado »
« Transes »
« Le Voyage de la hyène »
« La Flûte du roseau »
Reprise en salles
« La Servante » (Hanyo ») de Kim Ki-young le 11 juillet 2012
article écrit le 3 avril 2012
2 Comments
« la classe moyenne, décimée par la mondialisation, n’avait plus les moyens, comme dans les années 60, d’engager une servante »
What a perverse, doctrinaire view. One can’t afford to eat cake? The era of in-house servants was not a beautiful one, it was a form of bondage, living in some else’s house with no hope of children or independent life. And Korea was dirt poor in 1960. The group that could afford servants, in Korea or in the West, was a tiny fraction of the population, then as now. But back then, that group included music teachers and accountants, and most of the rest of the population were farmers. Today, music teachers and accountants do their own cooking, and others, who might have been servants, are music teachers and accountants. Will you also blame « mondialisation » for the long, sad decline of the British aristocracy?
The film director said that when he have explained his film and I have thought it was the sixties reality. Sorry!