« Laurence anyways » : il n’y a pas d’amour heureux
Pitch
Le jour de son anniversaire, un jeune enseignant de 35 ans avoue à sa petite amie qu'il veut devenir une femme mais qu'il souhaite poursuivre leur relation amoureuse. Cette dernière tente de l'accepter.
Troisième film de Xavier Dolan après « J’ai tué ma mère » (2009) et « Les Amours imaginaires » (2010), deux films superbes du surdoué réalisateur canadien (il a 23 ans), « Laurence anyways » est un film ambitieux et trop riche en tout : zappant sans cesse d’une scène à l’autre, saturé de couleurs vives, parasité d’un excès de musique, débordant d’effets, cadré de manière sophistiquée, le film manque de simplicité. Et surtout, contrairement aux deux films précédents, le réalisateur a perdu l’humour, l’auto-dérision qui faisait aussi sa marque. Le sujet ne s’y prête pas? Peut-être. Car le film déborde aussi de souffrance : le parcours de Laurence, trentenaire décidant de changer de genre, n’est pas indolore. Un jour que sa petite amie, Fred, lui propose un WE à NY pour fêter son anniversaire, Laurence craque et lui avoue qu’il veut être une femme, qu’il se sent femme au fond de lui. Sa petite amie le croit gay, son père ne lui adresse pas la parole, sa mère (Nathalie Baye), sèche et indifférente, le prévient qu’en femme, il trouvera la porte familiale fermée.
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photo MK2
Professeur dans un lycée, Laurence ose un jour débarquer à son cours habillé en femme, le soir, Fred lui offre une perruque pour lui prouver qu’elle l’accepte comme il est, homme ou femme, malgré la pression de sa soeur et de sa mère qui ne la comprennent pas. Car l’amour que Fred porte à Laurence ne se démentira jamais malgré les ruptures, les retrouvailles. Mais les souffrances morales qu’endure Fred pour accepter la transformation de Laurence sont au moins égales à celles de Laurence, elle sombre dans une dépression nerveuse.Peu après son coming out, les parents d’élèves se plaignent et Laurence est renvoyé du lycée. Fred, malgré tout l’amour qu’elle porte à Laurence, finira par se marier avec un autre. Laurence, sur le chemin de devenir femme (et le film ne traite pas frontalement la phase de l’opération chirurgicale, on l’entend en filigrane au début du récit avant le flash-back dix ans avant), a une nouvelle petite amie, Charlotte, qui le quittera quand elle comprendra qu’il n’a pas oublié Fred.
Zappant d’une période à l’autre, d’un personnage à l’autre, on a du mal à s’habituer à ce style surchargé en tout, les couleurs criardes, les musiques de tous les horizons, les cadrages excentriques, les effets en tout genre, les juxtapositions, les collages, comme si le réalisateur (qui sur la forme « ose tout ») dissimulait son sujet sous une avalanche d’artifices détournant l’attention du spectateur, ce qui est le cas. Pourtant, grâce à l’interprétation magnifique de Melvil Poupaud, lui, au contraire, tout en retenue, en nuances, l’émotion s’installe et le couple de Laurence et Fred fonctionne, tout à fait crédible. Sous tous ces excès de forme, se développe un autre film pudique où s’impose la force du lien qui unit ce couple, en proie au conflit mais incapable de se passer l’un de l’autre. Mais jusqu’où peut aller l’amour pour affronter la société et faire de la marge la norme? Il n’y a pas d’amour heureux, semble dire le film, mais pourvu que l’amour existe, quelque soit son visage… Il y a plus de tristesse dans ce film qu’il n’y paraît, la fin ramène à la magie de la rencontre, au coup de foudre initial dont l’auteur veut croire qu’il est indélébile.
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Le rôle de Laurence devait incomber à Louis Garrel, au dernier moment, Melvil Poupaud a pris le relais. Le film dure presque trois heures, c’est un peu long. Programmé dans la Section Un Certain regard 2012, « Laurence Anyways » a été récompensé par la troisième Queer Palm du Festival de Cannes, prix créé en 2010.
Notre note
(3 / 5)
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