« Les Adieux à la reine » : à perdre la tête
Pitch
A Versailles en 1789, après la prise de la Bastille, c'est la débandade, sauf une jeune lectrice entièrement dévouée à la reine Marie-Antoinette. Mais elle ignore que ce sont ses trois derniers jours aux côtés de celle qu'elle aime tant.
——
Benoit Jacquot qui a un faible pour les films en costume (« Adolphe ») a adapté ici le roman de Chantal Thomas en opérant un changement de taille : la lectrice n’est plus une dame de 65 ans mais une jeune fille en fleur comme il les aime : Sidonie, lectrice de la reine Marie-Antoinette, interprétée par Léa Seydoux. Film féminin mettant en scène un trio saphique de femmes : la reine, Sidonie Laborde et Gabrielle de Polignac. Le récit se passe
sur quatre jours à Versailles, monde à part, vivant en autarcie avec le sentiment de supériorité de demi-dieux dans l’Olympe, qui va pourtant basculer dans une panique indescriptible à l’annonce de la prise de la Bastille et de la liste des 286 premiers nobles condamnés à l’échafaud. C’est la débandande, les aristocrates qui campent à Versailles, souvent dans des conditions d’hébergement beaucoup moins confortables que dans leurs chateaux, afin d’être plus près du roi, s’enfuient, déguisés en valets. Les valets et les servantes fuient aussi. Mais demeure Sidonie Laborde, tout obnubilée de sa passion pour la reine, se croyant en sécurité auprès d’elle. Or, si Marie-Antoinette a de l’indulgence et une molle attirance charnelle pour la jeunesse et la beauté de Sidonie, c’est Gabrielle de Polignac qui la renverse, lui fait perdre le contrôle, d’autant que la belle a un sâle caractère et sait lui résister.
photo Ad Vitam
C’est un film d’atmosphère avec des images magnifiques et des lumières sublimes de Versailles la nuit, le naufrage d’un univers de splendeur scintillante où règne en contrepoint la saleté des lieux, des gens, la débauche, la trahison, les intrigues. Marie-Antoinette passe de la futilité, elle veut qu’on lui confectionne une broderie précise, demande son cahier des atours, à la dignité, elle refuse d’abandonner le roi, son mari, annule son départ. Mais dans l’intervalle, sa passion pour Gabrielle de Polignac, qui lui échappe, la laisse désespérée bien qu’elle organise elle-même la fuite de son amante pour la sauver. Diane Kruger n’est jamais aussi bonne actrice que dans des rôles germaniques (voir « Inglourious basterds »), ici, elle est parfaite, capricieuse, fragile, noble, émouvante. Léa Seydoux n’a pas besoin de grand chose compte tenu de son physique de bombe, elle est là, c’est tout ce qu’on lui demande. Quant à Virginie Ledoyen, « habituée » de l’univers de Benoit Jacquot, elle est comme un poisson dans l’eau. A noter que dans le rôle du roi Louis VI, Xavier Beauvois est un bon choix, très crédible.
La prise de température d’un Versailles qui a la fièvre, les rats quittant le navire, donne une idée par soustraction de la vie quotidienne à la cour avant l’annonce de la prise de la Bastille. Mais, au delà de l’intrigue, de l’histoire et de l’Histoire, c’est l’esthétique (non esthétisante) du film qui sidère. J’ai rarement vu une telle beauté dans un film en costumes depuis « Barry Lyndon » bien que ce soit très différent d’un film d’esthète avec ce trio de femmes que le réalisateur veut pleines de vie. C’est « autre chose » que le « Marie-Antoinette » branché et sucré à la rose des macarons Ladurée de Sofia Coppola.
Notre note
(5 / 5)
Laisser un commentaire