« Max mon amour » : retour aux sources
Nagisa Oshima, 1985
Puisqu’on est en pleine période de sorties de DVD de Nagisa Oshima Nouvelle vague (lire mon précédent billet…), j’ai naturellement sauté sur la diffusion sur Cinécinema Club hier soir de « Max mon amour » pour me donner une idée de l’évolution d’Oshima dans les années 80 : c’est très différent des oeuvres de jeunesse et autres films que je viens de voir … Le film avait fait scandale au festival de Cannes en 1986, et c’est vrai que ça ressemble à du Marco Ferreri qui fit également scandale à Cannes avec « La Grande bouffe » mais surtout qui réalisa « I Love you » où Christophe Lambert est amoureux d’un porte-clé. Ici, il s’agit d’une comédie subversive tournée principalement en français et en anglais avec des acteurs français et anglais, très facile d’accès, contrairement aux films d’Oshima années 60.Un diplomate anglais en poste à Paris soupçonne sa femme de se rendre tous les jours à des rendez-vous secrets. Engageant un détective, Peter découvre qu’elle va voir son amant qu’elle a logé dans un studio : un chimpanzé pour qui elle a eu un coup de foudre réciproque dans un zoo, l’animal solitaire venait d’un cirque en faillite. Bien qu’il trompe lui-même sa femme, le diplomate, à la fois jaloux et choqué, trouve une solution pour banaliser, accepter l’affaire : installer le chimpanzé en famille chez eux. Les chiens des voisins hurlent et les amis pas moins : Hélène (Nicole Calfan), la meilleure amie, Archibald,
(Pierre-Jean Donnadieu, vraiment très drôle), l’ancien amant de Margaret qui lui amène un psy, la domestique développant une allergie dont on verra à quoi exactement ensuite… (Victoria Abril)
—–
photo films A2
On a parlé d’un récit sur la tolérance, l’acceptation de la différence, mais je crois Oshima trop fin pour se contenter de ces lieux communs vus et revus dans tous les contes. Par ailleurs, même si d’aucuns ont préféré à l’époque se scandaliser en y voyant la transgression du tabou de la zoophilie, la démonstration, à mon avis, serait plutôt l’inversion animal/homme, le premier capable d’amour total, le second, perverti, vendant son corps (la prostituée, Sabine Haudepin) ou pratiquant l’infidélité mondaine (Camille, la maîtresse du mari, Archibald, l’amant de l’épouse), incapable d’amour, préoccupé de plaisirs et de promotion sociale…
photo films A2
Une phrase est peut-être la clé, quelqu’un dit que dans le singe, l’homme voit son passé… Ce qu’il aurait pu devenir en évoluant à partir du singe de manière positive? Et que voit Margaret hormis l’amant chez Max, le chimpanzé? De la tendresse, du partage, de l’amour… Tout ce qu’elle n’a pas avec son mari, encore moins avec Archibald, l’amant parti pendant des mois faire des fouilles au bout du monde, etc… Et que voit le mari en observant sa femme et Max? Une femme aimante qu’il ne connait pas… D’ailleurs, que fait au juste Margaret avec Max dans l’intimité? Le seul amour sincère et gratuit que connaît Margaret, c’est celui de son fils, avec l’enfant et Max, elle forme un trio, une petite communauté parfois en cage dans la chambre à barreaux du singe, excluant le mari qui ne sera intégré que quand il aimera Max. Mais pour accepter Max, le mari passera par une phase de violence où il essayera de le tuer avec une carabine. Ensuite, il le sauvera… Pourtant, la fin est cruelle, Max agissant comme fédérateur de cette famille, le couple s’est retrouvé grâce à l’animal, Margaret dit qu’elle le tuera elle-même si la loi lui interdit de garder un singe chez eux…Max aura donc été utilisé aussi, liquidé quand il ne leur sert plus à rien… Retour du pessimisme d’Oshima sur la nature humaine.
photo films A2
Pour les fans de Charlotte Rampling, elle a un regard à damner un saint, pardon, un singe… Pour les fans d’Oshima, la mise en scène est celle d’une comédie occidentale très années 80 qui ne cherche pas midi à quatorze heures, le scénario co-écrit avec Jean-Claude Carrière, ce dernier ayant eu l’idée du sujet… A noter aussi Fabrice Lucchini débutant. Intéressant, touchant, avec de nombreuses lectures possibles.Rediff sur CinéCinéma Club : 27 mars à 8h05, 30 mars à 22h30 et 1er avril 2009 à 0h20.
Notre note
(4 / 5)
Laisser un commentaire