« Sin nombre » : choc de deux évasions
Prix du jury du 35° festival Deauville, Cary Joji Fukunaga, sortie 21 octobre 2009
Une partie du jury du 35° festival de Deauville lui aurait bien attribué le Grand prix, revenu à « The Messenger », finalement, il a obtenu le prix du jury ex-aequo avec « Precious ». Pour ma part, ce fut mon coup de coeur de ce festival plutôt light mais comportant quelques perles dans la section des films en compétition, comme chaque année.
Cary Joji Fukunaga reçoit le prix du jury de J. Pierre Jeunet, président du jury du 35° festival de Deauville (clôture le 13/09/09)
Un film dur et assez violent sur la rencontre entre un jeune homme faisant partie d’une Mara (gang) au Mexique et une jeune fille accompagnant une partie de sa famille dans un train d’émigrés en provenance du Honduras, un interminable exode vers les Etats-Unis, terre promise.
Condamné à mort par la Mara 13 Salvatrucha (MS) dont il fait partie parce qu’il a voulu venger la mort de sa fiancée en tuant rien moins que le chef du gang, Casper fuit… Mais Benito, gamin fraîchement adoubé par la MS, dont Casper a la charge et qui a donc assisté à la scène, est mis en demeure par le nouveau chef de prouver son attachement au « quartier » ; pour sauver sa peau, Smiley jure qu’il abattra lui-même Casper. Les rites d’initiation sont terribles, le petit Benito tabassé treize fois, se relevant ensanglanté en souriant, a passé l’épreuve, il est accepté par la MS et rebaptisé Smiley. Treize coups aussi comme punition quand un membre de la Mara ment ou commet une faute légère, sinon, c’est l’éxécution, la mort. Le premier tatouage pour le premier meurtre, souvent le chiffre de la Mara, et tatoués aussi des larmes sur la joue, des personnages et des maximes sur tout le corps.
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photo Diaphana
L’étude des Maras salvadoriennes (Les Maras ont été créées d’abord à LA par des immigrés salvadoriens, ensuite expulsés des USA, reproduisant chez eux les mêmes modèles de gangs) qui terrorisent toute l’Amérique du sud vient de coûter la vie au réalisateur français Christian Poveda à moins d’un mois de la sortie de son magnifique documentaire « La Vida loca » en salles en France le 30 septembre. Christian Poveda, ancien reporter de guerre et documentariste, avait filmé au Salvador pendant un an et demi la vie de la Mara 18, ennemie jurée de la Mara 13 Salvatrucha. Il est possible qu’un trafic de DVD de son film par les gangs soit à l’origine de son assassinat au Salvador où il habitait depuis trois ans, fermons cette triste parenthèse.
photo Diaphana
Sur le chemin de la cavale, dénoncé par une sorte de mère maquerelle monstrueuse affiliée au gang comme tout le monde… Casper va croiser le chemin de Sayra sur le toit du train d’émigrés, le banni et l’émigrée… Le film démontre une tragique alternative pour fuir la pauvreté des pays d’Amérique latine : l’émigration ou l’affiliation à un gang, plaque tournante du traffic de drogue et du racket, à qui ses membres appartiennent pour toujours… Le train d’émigrés n’a pas grand chose à envier aux convois de déportation, peu vont en réchapper et atteindre enfin l’Amérique, cet Eldorado où on imagine qu’ils seront là-bas aussi marginalisés, considérés comme des immigrés, des étrangers. Par ailleurs, quitter une famille plus ou moins absente ou défaillante pour un gang ou l’Amérique, au delà du problème économique, c’est également tenter de reconstruire un modèle d’inspiration familiale en intégrant une communauté, les Maras fonctionnant comme un hybride entre l’armée et la famille.
photo Diaphana
Histoire d’amour par défaut, Sayra et Casper auraient pu s’aimer s’ils en avaient eu le temps, mais dans l’adversité, préoccupés en priorité de s’en sortir vivants, ils vont s’entraider, commettre des actes d’amour muets, devenus vite inséparables, elle le suit, il la sauvera. On admire le cran du réalisateur de ne pas avoir cédé à la romance lambda pour ne pas distraire du sujet principal : partir, fuir un pays n’offrant plus ni racines ni avenir, échapper à sa condition d’une manière ou d’une autre, fut-elle funeste.
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