« Une Journée ordinaire » : le cadeau de Delon à sa fille
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On présente le duo père et fille, Julien (Alain Delon) et Julie (Anouchka Delon), quasi-homonymes, comme une sorte de couple qui a grandi ensemble après la mort de la mère dans un accident de voiture. Le père, rigide, inconsolable, emmuré dans le passé, dans la culpabilité d’être heureux sans son épouse morte depuis dix ans, la fille tournée vers l’avenir, la vie.Il y deux tiers de boulevard dans « Une Journée ordinaire » et un tiers de drame, dans la comédie (plutôt plate), Delon est juste mais ce n’est pas son emploi, bien que ce père ronchon, réac, de mauvaise fois, qu’il campe, soit souvent drôle, mais c’est dans le volet dramatique qu’on retrouve le Delon exceptionnel qui est, plus qu’il ne joue, et émeut. Un fil dramatique ténu qui se développe au cours de la pièce et finit par emporter le morceau dans un final qui n’est pas sans rappeler celui de sa pièce précédente (« Love letters »).
On ne peut s’empêcher de penser au jeu de miroir de certaines phrases du texte avec les déclarations de Delon dans des interviews, inconsolable de l’extinction du passé, de la mort d’un cinéma qu’il aimait et de ceux qui l’ont fait, pour témoin, son absence douloureuse à ces rétrospectives Melville auxquelles il ne peut pas se rendre, se décommandant au dernier moment, comme si l’émotion de commémorer un réalisateur qui lui a donné parmi ses plus beaux rôles (« Le Samouraï », « Le Cercle rouge », « Un Flic »), ses partenaires tous aujourd’hui disparus (Bourvil, Yves Montand, François Perrier, etc…), était au delà de ses forces.
Les spectateurs de la première de la pièce « Une Journée ordinaire » sont venus pour lui (des spectatrices venues spécialement de province qui le suivent depuis les années 60), mais, lui, est venu pour elle, sa fille, qui semble le maintenir en vie. Anouchka Delon, très pro, possède une assurance et une aisance qu’on n’attendait pas, ne se trompe jamais dans son texte, il semble fier d’elle et ému quand ils viennent saluer le public, il n’a pas tort, elle prend la relève et pourrait bien ne pas le décevoir. Par moments, vendredi soir, Alain Delon m’a rappelé Jean Gabin, cette présence, ce naturel, ce côté bourru et viril, cette autorité naturelle, on l’attend donc au cinéma dans des rôles à sa mesure…
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