« Recount », la conférence de presse Kevin Spacey, « Smart people » et « Criss-cross » Nuits américaines
Je ne sais si c’est la météo ou l’atmosphère amorphe de ce festival mais j’ai tendance à somnoler plus qu’il ne faudrait… ainsi, même tard ce matin, une panne de réveil… m’a fait rater le troisième film en compétition qui a vraissemblablement touché le plus de monde « Garden of nights », un film douloureux sur deux ados, anciennes victimes de la pédophilie, je vais donc essayer de le rattrapper, ce qui n’est pas facile car on ne projette les films que deux fois maximum dans le festival alors qu’il n’y aucune projection après 22h30 (sauf une vendredi 12), contrairement aux autres années, c’était pourtant les séances les plus agréables dans un CID apaisé sans célébrités (et donc sans interdictions de tout poil pour baliser leur passage, ce n’est pas si simple, question sécurité, de mélanger dans une salle de projection gigantesque les anonymes et stars…). Si j’ai entendu longuement parler de « Garden of nights », c’est grâce… aux trois quart d’heures de retard de la conférence de presse de « Recount », ce qui a permis de bavarder en faisant la queue… La cérémonie Kevin Spacey a donc été raccourcie, dommage, pire, vers la fin de la conférence de presse, il a fallu s’arracher et abandonner Kevin Spacey à son estrade… douleur… afin de se précipiter dans le noir de la projection toute juste commencée de 15h où, contrairement à hier matin, je n’ai pas été refoulée. Mais la meilleure part de la journée se passe ensuite aux Nuits américaines du cinéma Le Morny, ce programme permanent rencontrant un vif succès, où l’on repasse « Criss-cross » de Siodmak, la fibre cinéphile me chatouille à nouveau le plexus, j’avais l’impression depuis le début de ce festival de me traîner d’un film à l’autre sans craquer pour aucun, là, je frétille… D’autant que la séance du Morny est précédée d’un sympathique petit verre partagé sur la pelouse du lounge Orange avec trois consoeurs photographes qui m’insufflent leur énergie. Pour la soirée rituelle sur invitation au CID, un hommage à Parker Posey était organisé avec la projection d’un film déjà vu l’année dernière en section compétition, « Broken english », sorti en salles il y a peu, drôle d’idée que ce choix de film de la réalisatrice Zoe Cassavetes, présidente du second jury révélation, qui rempilait aujourd’hui pour une seconde conférence de presse peu différente de celle qu’elle avait tenu l’année passée à la même époque avec sa mère Gena Rowlands et Melvil Poupaud, ici remplacés par Parker Posey et Hal Hartley sous la direction de qui elle a souvent tourné. J’ai donc passé mon tour, et ce soir, plus aucun film à voir, rideau!
Kevin Spacey à la conférence de presse de « Recount » aujourd’hui mardi à Deauville
Kevin Spacey et le réalisateur de « Recount » Jay Roach
Ce qui est intéressant dans les questions posées à la conférence de presse, c’est qu’elles ont toutes trait au fond et pas à la forme cinématographique du film. La première question porte d’ailleurs sur les machines à voter, la seconde sur l’objectif militant du film, se battre pour la démocratie et la transparence du vote au delà du scandale de la Floride, soit le thème de « Recount », le recompte des voix en Floride au moment de l’élection de Bush contre Al Gore. Le député interprété par Kevin Spacey ne baissera jamais les bras, de nos jours pas davantage, d’ailleurs Kevin Spacey l’a bien connu durant les deux mandats Clinton où il militait lui-même activement au parti démocrate, l’homme est comme dans le film. A la seule question polémique d’un intervenant reprochant que le film soit démagogique, présentant la cellule du parti démocrate cool et celle des républicains réac, ringarde, Kevin Spacey répond que ça reflète la réalité, les républicains avaient beaucoup plus d’argent et ils s’en sont servi, chez les démocrates, il n’était pas rare qu’on soit assis sur des cartons… Beaucoup de questions pour le scénariste parti de 4 livres de journalites politiques faisant référence aux USA et des témoignages des gens à l’époque, compte tenu que personne ne peut se rappeller, s’agissant des dialogues, de ce qu’il a exactement dit huit ou neuf ans auparavant…Le film semble avoir plu pour ce qu’il raconte, de la manière dont le film est mise en scène, personne ne dira un seul mot. Et c’est sans doute cela qui divisera les amateurs du film pour ce qui leur apprend et ceux que le sujet n’intéresse pas au point de priser l’exhaustivité de ce récit qui n’épargne aucun détail des combines et tricheries du recompte des voix et qui attendaient plutôt Kevin Spacey dans une performance d’acteur dont il a le secret, ici, il est parfait, comme d’habitude dans les limites de son rôle…
« Smart people » de Noam Murrosortie 17 juin 2009
Sarah Jessica Parker et Dennis Quaid, photo TFM distribution
Un prof de littérature, d’une intelligence au dessus de la moyenne, mais misantrope et imbu de lui-même, incapable de communiquer avec ses enfants ou ses élèves, voit son train-train bouleversé par l’arrivée de son demi-frère qui s’incruste chez lui, décomplexé et bon vivant. Contre toute attente, le demi-frère se lie avec sa nièce, une élève aussi surdouée, arrogante et solitaire que son père, lui apprenant à ne pas tout contrôler tout le temps… Parallèlement, le prof retrouve une de ses anciennes élèves, amoureuse de lui sans retour depuis la fac, devenue depuis médecin urgentiste. Le père et la fille, tous deux handicapés de la vie affective, vont voir alors leur vie chamboulée pour la bonne cause… Ce film est typique du label Sundance, un petit film sympa, sensible et consensuel qui ne déplaira à personne avec des stars ou stars en devenir au service d’un film indépendant : Sarah Jessica Parker, Dennis Quaid et la géniale Ellen Page (« Hard Candy », « Juno ») dont le rôle est celui d’un petit génie…
« Criss-cross » (« Pour toi, j’ai tué ») de Robert Siodmak
Comme disait un réalisateur invité au festival l’autre jour, il n’y a vraiment qu’à Deauville qu’on peut voir « Criss-cross » de Siodmak à une heure du matin, fort heureusement, le film a été projeté une seconde fois aujourd’hui, quel voluptueux moment de cinéma, c’est sûrement le plus beau film, et de loin, que j’ai vu depuis mon arrivée…Après un an d’absence, bien qu’il prétende le contraire, Steve revient à LA pour revoir la femme qu’il n’a jamais cessé d’aimer, Anna, dont il a divorcé. Il la cherche dans un bar dans lequel ils passaient leurs soirées à se disputer plus souvent qu’à s’aimer. Malheureusement, au bout de quelques temps, Anna, dépitée de supplier Steve de lui donner une seconde chance, va brusquement épouser Slim Dundee, un truand… Dans l’intervalle, Steve a repris son emploi de convoyeur de fonds… Le film démarre sur une scène d’adultère à l’envers, Anna, désormais l’épouse de Slim Dundee, est enlacée la nuit sur un parking avec Steve qui lui promet des lendemains qui chantent avec des sous-entendus criminels pour retrouver leur liberté… On comprend ensuite rapidement que Steve est devenu l’associé de Slim Dundee sur un coup bien que les deux homment soient rivaux vis à vis d’Anna. Flash-back sur le retour de Steve à LA huit mois auparavant…
On pourrait reprocher à « Criss-cross » (1948) quelques broutilles si on a en tête le chef d’oeuvre de Siodmak (et l’un des plus beaux films noirs jamais réalisés), « The Killers » (« Les Tueurs ») (1946), film avec lequel « Criss-cross » présente bien des analogies… Par exemple, la trame est quasiment identique : un trio avec beau mec athlétique mais crédule, victime d’une femme fatale qui le plaque pour épouser un truand auquel il va finir par s’associer et monter avec lui une arnaque qui tournera mal, pour tenter de récupérer l’infidèle. Le héros tragique en question étant dans les deux cas Burt Lancaster, face à lui, ici, c’est Yvonne de Carlo qui prend la place d’Ava Gardner. Mais il y a d’emblée et la suite, la fin, le confirmera, une grande différence dans le type de femme fatale, si Ava Gardner était une pure garce trahissant jusqu’à la fin, Yvonne de Carlo/Anna est une garce à temps partiel qui aime Steve autant qu’elle est prête à tout pour sortir de sa condition sociale, pour les diamants, comme elle le dit elle-même, que lui offre Slim Dundee… On pourrait même dire que le couple Steve et Anna possède une petite touche amants maudits… Maudits parce qu’ici, exceptionnellement dans un film noir, la famille de Steve prend beaucoup de place, peut-être trop, une famille qui rejette Anna, le frère et la mère idéalisés, tout comme le fidèle ami d’enfance Pete devenu flic ou le collègue de travail âgé, ami de la mère. Anna dira ensuite à Steve qu’elle a épousé Slim Dundee pour avoir vis à vis d’eux une sorte de position sociale au moins matériellement. Autre analogie frappante, la fin du film fait clairement penser au début des « Tueurs » avec le seul visage du/des tueur/s en train de tirer en gros plan tandis qu’on imagine la /es victime/s s’effondrant hors champ (le fameux plan avec le bras de Burt Lancaster qui lâche prise dans « Les Tueurs »). A la différence notable que, contrairement à « Criss-cross », les tueurs des « Tueurs » sont des professionnels, indifférents à la victime, payés pour exécuter un contrat, ce qui amplifie la force de la scène… Ici, on penche nettement pour le drame passionnel, moins spectaculaire. C’est le facteur qui affaiblit un tantinet le film, la dimension affective difficilement miscible dans le film noir pur et dur… Des bricoles, on chipote, un très beau film au final…
On pourrait reprocher à « Criss-cross » (1948) quelques broutilles si on a en tête le chef d’oeuvre de Siodmak (et l’un des plus beaux films noirs jamais réalisés), « The Killers » (« Les Tueurs ») (1946), film avec lequel « Criss-cross » présente bien des analogies… Par exemple, la trame est quasiment identique : un trio avec beau mec athlétique mais crédule, victime d’une femme fatale qui le plaque pour épouser un truand auquel il va finir par s’associer et monter avec lui une arnaque qui tournera mal, pour tenter de récupérer l’infidèle. Le héros tragique en question étant dans les deux cas Burt Lancaster, face à lui, ici, c’est Yvonne de Carlo qui prend la place d’Ava Gardner. Mais il y a d’emblée et la suite, la fin, le confirmera, une grande différence dans le type de femme fatale, si Ava Gardner était une pure garce trahissant jusqu’à la fin, Yvonne de Carlo/Anna est une garce à temps partiel qui aime Steve autant qu’elle est prête à tout pour sortir de sa condition sociale, pour les diamants, comme elle le dit elle-même, que lui offre Slim Dundee… On pourrait même dire que le couple Steve et Anna possède une petite touche amants maudits… Maudits parce qu’ici, exceptionnellement dans un film noir, la famille de Steve prend beaucoup de place, peut-être trop, une famille qui rejette Anna, le frère et la mère idéalisés, tout comme le fidèle ami d’enfance Pete devenu flic ou le collègue de travail âgé, ami de la mère. Anna dira ensuite à Steve qu’elle a épousé Slim Dundee pour avoir vis à vis d’eux une sorte de position sociale au moins matériellement. Autre analogie frappante, la fin du film fait clairement penser au début des « Tueurs » avec le seul visage du/des tueur/s en train de tirer en gros plan tandis qu’on imagine la /es victime/s s’effondrant hors champ (le fameux plan avec le bras de Burt Lancaster qui lâche prise dans « Les Tueurs »). A la différence notable que, contrairement à « Criss-cross », les tueurs des « Tueurs » sont des professionnels, indifférents à la victime, payés pour exécuter un contrat, ce qui amplifie la force de la scène… Ici, on penche nettement pour le drame passionnel, moins spectaculaire. C’est le facteur qui affaiblit un tantinet le film, la dimension affective difficilement miscible dans le film noir pur et dur… Des bricoles, on chipote, un très beau film au final…
photocall du jury lundi après-midi : Cristian Mungiu, Carole Bouquet, Ronit Elkabetz (photo Isabelle Vautier)
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